2 juin 2017 Christian Brenner

Sélection Jazz hot par Jean-Pierre Alenda © Jazz Hot n°679, printemps 2017

 
 

Christian Brenner
Le Son de l’absence

 Cliquez sur la pochette pour écouter des extraits du disque

 

 

Cadences, Arborer Sens, Le Doode, La Chambre rouge, Hypno-tic, Le Son de l’absence Beslan, Happy Hours, Little Girl Blue*
Christian Brenner (p), Olivier Cahours (g), François Fuchs (b), Jean-Pierre Rebillard (b)*, Pier Paolo Pozzi (dm)*
Enregistré en mars et novembre 2009, Paris et en avril 2009; Rome*
Durée: 44’ 08’’
Amalgammes 0002 (www.christianbrennerjazz.com)

Le Son de l’absence est un album à part dans la discographie de Christian Brenner. L’artiste privilégie depuis toujours une certaine délicatesse qui l’éloigne des formes de jazz les plus démonstratives. Fidèle à ses influences, le contexte émotionnel de cet opus met en exergue le legs de Bill Evans, Fred Hersch ou Kenny Barron à la sensibilité du pianiste. Installé à Paris depuis 1968, il fonde l’association «Amalgammes» en 1995, qui défend cet héritage culturel, produisant notamment ce disque, dont l’intimisme revendiqué ne le destine pas forcément au grand public. Dès les premiers titres, «Cadences» et «Arborer Sens» l’aspect dépouillé et purement acoustique du son introduit à un déroulement très progressif des idées mélodiques, qui s’enroulent autour d’un axe imaginaire sur lequel les musiciens greffent leur inspiration du moment, à la manière dont on affinerait le grain d’une photographie sépia. A l’exception du dernier morceau, Little Girl Blue», l’intégralité des compositions est déclinée sans batterie, ce qui renforce l’esthétique très musique de chambre d’un CD très justement sous-titré Trio(s), «La Chambre rouge» représentant certainement l’item le plus emblématique de cette vision intérieure dénudée. Le point pivot de l’album est «Le Son de l’absence», sorte d’œuvre-vie dédiée à son épouse trop tôt disparue. C’est peut-être paradoxalement sur cet hapax existentiel qu’il est le plus difficile d’entrer dans le flux harmonique proposé par les musiciens. Après plusieurs écoutes, on comprend que l’aspect convulsif et inchoatif du titre s’inspire de la période de recomposition qui suivit la perte de l’être aimé pour Christian Brenner. Le mouvement imperceptible qui se dégage des échanges entre musiciens met plusieurs minutes à atteindre son apogée, et pourtant c’est sans doute ici que la soie du phrasé d’Olivier Cahours se combine le mieux avec la sensibilité des notes choisies par le pianiste. La combinaison de «Beslan» et de «Happy Hour» est d’ailleurs un modèle du genre, sorte de préparation à une dernière piste habitée par la grâce, sous l’influence conjuguée de Jean-Pierre Rebillard et Pier Paolo Pozzi, deux compagnons de route chers au cœur de Christian Brenner. Un magnifique album habité par une sincérité et un interplay exemplaires, où les silences eux-mêmes acquièrent un pouvoir d’éloquence digne des discours les plus inspirés.http://www.jazzhot.net/PBCPPlayer.asp?ID=1840942 

Jean-Pierre Alenda
© Jazz Hot n°679, printemps 2017